Utopies renouvelables

(article paru à l'origine sur mon ancien blog Nébuleuses)

Je suis excédé par les imbécilités que colportent les médias. Alors voici une réaction à la catastrophe de Fukushima.

Elle n’est pas encore terminée que tout le monde l’exploite : les antinucléaires y voient la preuve de leurs prédictions catastrophiques, et les gouvernements lancent des audits de sécurité ou des “réflexions” sur l’avenir des centrales atomiques qui sentent bon le populisme. Le vrai populisme, celui qui réagit sous le coup de l'émotion et sacrifie l'avenir aux calculs de court-terme.

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Pourtant, cette forme d’énergie n’a jamais été autant d’actualité. Elle fait les frais d’un courant idéologique tenace et particulièrement présent dans les états européens : l’utopie des énergies renouvelables. Vous savez, cette gentille formule pour désigner la lumière du soleil, le vent, etc.

Pourquoi il faut en finir avec les énergies fossiles

Jusqu'ici, la plupart des états produisent leur énergie de façon classique, via les ressources fossiles, hormis des cas particuliers comme l'Islande et sa géothermie. On brûle du pétrole ou du gaz naturel pour générer de l’électricité ou propulser les véhicules. Cette solution présente des inconvénients que tout le monde reconnait, et dont pourtant on ne tire pas les conséquences.

D'abord, les énergies fossiles coûtent cher : ces ressources sont limitées, et la loi de l’offre et de la demande implique que leur coût augmente inexorablement dans les années qui viennent.

Bien sûr, comme c’est le cas depuis des siècles, quand un prix augmente, on accuse des “spéculateurs”. C’est pour ne pas reconnaitre que le développement des pays du tiers-monde, bien que souhaitable évidemment, amène sur le marché des millions d’hommes et de femmes qui veulent, eux aussi, avoir leur voiture, leur ordinateur, leur maison.

La Chine à elle seule compte 1,3 milliard d’habitants. Il va falloir se partager avec eux un gâteau dont la taille n’augmente pas. Forcément, notre part à nous, occidentaux, va se réduire.

Ensuite, les énergies fossiles rendent dépendant : le pétrole et le gaz sont presque en totalité présents dans des régions du monde instables ou dans des pays dont la politique à long terme est imprévisible. Le choc pétrolier de 1973 a montré comment une minorité, en l’occurrence les membres de l’OPEP, pouvait provoquer une crise économique brutale et durable. Cette épée de Damoclès ne peut pas rester indéfiniment au dessus de la tête des consommateurs et des industriels.

Enfin, les énergies fossiles sont dangereuses pour l’environnement : la principale préoccupation du début du XXIème siècle est la stabilité du climat. Or toutes les preuves convergent pour montrer une hausse de la température globale du globe, qui si elle a eu lieu maintes fois dans l’histoire de la terre, est cette fois-ci concomitante avec le développement industriel. D’où la forte probabilité que, même s’il n’en est pas l’unique source, l’homme y joue un rôle.

Or brûler du pétrole ou du gaz, c’est injecter dans l’atmosphère des millions de tonnes de gaz à effet de serre, notamment le dioxyde de carbone. De fait, même si le pétrole était disponible en quantité illimitée, il faudrait pourtant y renoncer un jour, et même commencer la transition le plus tôt possible. Car changer un modèle de société prend, au mieux, des décennies.

Alors si les énergies fossiles sont dépassées, par quoi les remplacer ?

Sommes-nous prêts à changer ?

Soyons clairs : il serait bien entendu idéal de pouvoir se déplacer, allumer une lampe ou se chauffer avec de simples panneaux solaires. Mais le problème, c'est que ce n'est pas possible, tout simplement.

Pourquoi ? D'abord parce que nos sociétés ne sont pas prêtes à changer. Et dans ce domaine, l’hypocrisie des comportements, des particuliers comme des décideurs, laisse pessimiste.

Combien de politiciens défendent devant la presse les mérites écologiques du vélo ou du métro, et une fois l'interview terminée, rentrent chez eux en voiture ? Combien critiquent à la fois les véhicules tout terrain, qui consommeraient trop, et la hausse du prix de l’essence, alors que précisément la seconde décourage l’utilisation des premiers ?

De même, ceux qui se prétendent les gardiens de l’environnement ne sont pas à une contradiction près. Certains défendent la construction d’éoliennes, tandis que d’autres, parfois membres des mêmes organisations, les combattent au nom du respect du paysage et des nuisances sonores qu’elles produiraient.

On nous dit aussi que le potentiel hydroélectrique de la France n’est pas suffisamment exploité. Puis, lorsqu’un projet se dessine, on apprend qu'il risque d'être abandonné parce que, par exemple, il met en danger telle ou telle espèce de moineau ou de grenouille…

Des éoliennes ? Un barrage ? Oui, toujours oui. Mais ailleurs, pas dans ma commune.

Car la seule logique dans tout cela, c’est que les efforts doivent être faits par les autres. Alors pas étonnant que l'on soit condamnés à l’immobilisme.

Faire des économies, vraiment ?

Se pose aussi le problème des quantités d’énergie utilisées. On nous parle sans arrêt de “faire des économies”, même si les plus engagés ne donnent pas l’exemple.

La loi y incite fortement : avantage fiscal pour l’installation de panneaux solaires, nouvelles normes de construction plus contraignantes au niveau de l’isolation, etc. En théorie, ce sont des mesures de bon sens. Malheureusement, on en attend trop.

Car les investissements à faire sont énormes : la majorité des logements actuels ont été construits à des époques où l’énergie était bon marché. Leur adaptation, si elle est possible sera très longue. On ne peut pas raser toutes les maisons françaises pour les reconstruire aux normes BBC. Et des travaux d'isolation vraiment efficaces, c'est une dépense que beaucoup de foyers ne peuvent pas se permettre.

Quant à nos besoins, ils ne sont pas figés, et continuent d’évoluer à la hausse. Le site web que vous lisez, par exemple, est hébergé dans un centre de données qui consomme une effarante quantité d’électricité rien que pour sa climatisation. Or les services en ligne n’en sont qu’à leur début.

Ce qui veut dire que nos besoins en énergie sont énormes, et que les diminuer de façon significative est presque impossible, sauf à changer complètement de mode de vie.

La plaisanterie des énergies solaires et éoliennes

Quant aux énergies renouvelables, elles ne peuvent réellement représenter qu’une très petite part de notre consommation, car elles souffrent de défauts majeurs.

Dur de devoir le rappeler, mais elles sont intermittentes : le solaire ne produit pas d’électricité la nuit et l’éolien seulement lorsqu’il y a du vent ! Cela semble évident, pourtant on nous parle sans sourire de se reposer sur elles pour faire rouler les trains ou alimenter les foyers. Il y a de quoi désespérer devant tant d'idéologie.

Imaginez un monde 100% alimenté au renouvelable. Un matin, vous partez au travail. Bien sûr, vous n'avez plus de voiture, parce qu'on vous a dit qu'elle polluait trop. Donc vous prenez le métro. Pas de chance, il ne fonctionne pas. Le temps est trop nuageux. Le soir, vous revenez chez vous, à pieds évidemment. Il fait froid. La télé ne s'allume pas, le lave-vaisselle non plus. Ah ben oui, il n'y a pas assez de vent…

Et lorsque le soleil brille ? Apparait un autre gros problème, la faiblesse des rendements : les cellules photovoltaïques ne convertissent, au mieux, que 20% de l’énergie captée. On atteint difficilement 35% en laboratoire.

Ajoutons que leur bilan carbone est même tellement désastreux qu'il faut plusieurs années d'utilisation avant qu'elles soient "rentables" au plan environnemental, c'est à dire pour que les émissions de gaz à effet de serre qu'elles évitent compensent celles produites par leur fabrication.

De même, il faut 500 éoliennes (2 MW chacune) pour produire autant qu’une centrale nucléaire moyenne (1000 MW).

Et les sites disponibles sont limités : conséquence du point précédent, l’énergie renouvelable utilise de très grandes surfaces, qui manquent sur un continent très dense comme l’Europe. Les panneaux solaires, où voulez vous les mettre en ville ?

Quant à l’éolien, il faut trouver en plus une zone où les vents sont forts et réguliers. Or ce sont généralement les côtes, là où les impacts (paysage, environnement, tourisme) sont les plus grands et l'opposition des riverains, forcément, la plus forte.

Vous trouvez ce tableau pessimiste ? Pourtant on peut, aujourd’hui, produire de l’énergie de façon relativement propre et en quantité suffisante.

Alors quelle est la solution ?

Cette solution, et aujourd'hui il faut presque s'excuser de le dire, c’est le nucléaire. Une énergie décriée car cible idéale et facile pour des gouvernements qui cherchent à surfer sur l’opinion publique, laquelle réagit toujours à court terme en fonction de l’actualité.

Quels sont les avantages du nucléaire ? Une production de gaz à effet de serre quasiment nulle, des volumes d’énergie constants dans le temps, un carburant, l’uranium, assez facile à trouver (Afrique, Australie, etc.). A tel point qu’il y a même des écologistes pour le défendre, si si.

Le nucléaire a-t-il des inconvénients ? Certes, oui, aucune énergie n’est parfaite. Faisons la liste : une technologie de pointe qui le réserve aux pays développés, un risque réel de catastrophe environnementale en cas d’accident, et la production de déchets dangereux et à très longue durée de vie.

Intéressons-nous aux deux derniers. Combien de catastrophes importantes depuis la mise en service de la première centrale ? Trois seulement. La première, celle de Three Mile Island en 1979, n’a pas fait de victimes. La seconde, Tchernobyl en 1986, est le résultat de la négligence criminelle du régime soviétique. Et la troisième, Fukushima en 2011, découle d’un séisme d’une ampleur totalement imprévisible, car sans précédent depuis au moins 140 ans.

Quant aux déchets, leur volume est faible et leur lieu de stockage parfaitement connu, à comparer aux millions de tonnes de CO2 larguées chaque année partout dans l’atmosphère par les énergies fossiles.

Un exemple de succès du nucléaire : la France, où 75% de l’électricité est produite de cette façon depuis 30 ans. Et malgré les unes des médias, plus intéressés par l'audimat que par l'objectivité, cela s’est fait sans aucun accident majeur.

Alors sans danger le nucléaire ? Non, bien sûr, mais les risques sont sans commune mesure avec les enjeux : fournir de l’énergie à des millions de foyers sans nous condamner à la catastrophe climatique et, progressivement, à l’appauvrissement dû au coût croissant des énergies fossiles.

Il est toutefois évident que la sécurité est primordiale. Cela condamne toute idée de réacteur “low cost” et se concrétise dans les projets en cours comme l’EPR.

Et dans le futur ?

Mais au delà, il n’est pas interdit de chercher des solutions alternatives. L’une des plus prometteuses est la fusion thermonucléaire, la réaction qui permet au soleil de briller : quatre atomes d’hydrogène fusionnent pour créer un atome d’hélium, le tout en libérant de l’énergie. Elle ne produit pas de radioactivité et ne risque pas d’emballement comme c’est le cas pour la fission : son exploitation est donc très sûre.

Malheureusement, elle requiert une technologie très avancée. Plusieurs pays se sont donc associés pour construire un réacteur expérimental, c’est le projet ITER à Cadarache. Il s’agit d’un programme à long terme (au moins 40 ans), mais ces délais pourraient être très certainement réduits si les investissements dans la recherche étaient accrus.

En effet le coût d’ITER, environ 20 milliards d’euros, peut paraître élevé, mais il reste très faible comparé d’une part aux budgets combinés des grands pays industrialisés, et d’autre part à l’enjeu vital que représente la production d’énergie. Qu’on se rappelle, par exemple, que les Etats-Unis ont dépensé entre 820 et 4.000 milliards (oui, quatre mille milliards) de dollars dans la guerre d’Irak entre 2003 et 2011.

En attendant, il ne s’agit pas de condamner en bloc les énergies renouvelables, au contraire. Mais simplement d’admettre qu’elles ne peuvent représenter qu’une petite part de la production totale.

Par exemple, des expériences prometteuses sont en cours sur les centrales solaires thermodynamiques comme Gemasolar en Espagne. Les rayons chauffent un fluide qui entraine une turbine à vapeur. Et comme ce fluide est très chaud, il se refroidit suffisamment lentement pour permettre à la centrale de produire de l'énergie même une partie de la nuit !

Mais cela suppose un climat méditerranéen. Pas question d'utiliser le procédé en France ou en Allemagne, par exemple.

Il manque ici aussi une volonté politique pour les imposer lorsque c’est techniquement possible, et cela sans contradiction : on pense notamment, en France, à la fiscalité des panneaux solaires. D’abord très avantageuse suite au “Grenelle de l’environnement”, elle a été réformée brutalement en 2010 lorsqu’on a découvert qu’elle bénéficiait aux constructeurs chinois !

Alors cessons de condamner le nucléaire pour des raisons idéologiques : aujourd'hui, dans les pays développés, c'est la seule source d'énergie à la fois permanente et respectueuse de l'environnement. D'ailleurs, qu'un nouveau choc pétrolier se produise et on verra sûrement les choses sous un autre jour.


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