Mon histoire informatique : épisode 1, le temps des jeux (1984-1993)

Cela fait maintenant 35 ans que mon père est rentré un jour à la maison avec, sous le bras, une boite contenant un Commodore 64. Cela marquait pour moi le début d'une expérience formidable, qui se poursuit encore aujourd'hui : celle de l'informatique.

Voici donc une retrospective très personnelle sur ces années fabuleuses où le progrès avançait à pas de géant, et où chaque année ou presque apparaissait une innovation majeure. Elles me laissent une nostalgie que seuls ceux et celles qui ont vécu cette période peuvent comprendre.

Note : les dates indiquées ne sont pas celles où le matériel a été lancé, mais celles où je l'ai utilisé pour la première fois.

Le Commodore 64 (1984)

C'était le premier et sans doute le plus "grand". Un ordinateur tout-en-un (hormis l'écran), qui se raccordait à une télévision via une prise Péritel. Pour les plus jeunes, c'était l'équivalent du HDMI à l'époque. Il disposait de 64 Mo de RAM, d'où son nom.

Voici l'ordinateur type en 1984 (crédits photo : Wikipedia)

Une révolution par nature, puisqu'avant lui, il n'y avait rien. Façon de parler bien sûr, car le C64 avait eu des prédécesseurs, par exemple le VIC 20 du même constructeur, les Thomson TO7 ou MO5. Mais aucun n'a laissé une telle empreinte. D'ailleurs, le C64 reste à ce jour l'ordinateur le plus vendu au monde.

Son utilisation était très simple : il suffisait d'insérer des cartouches au dos. Sans cela, il démarrait sur un écran bleu où un curseur clignotant vous invitait à entrer des commandes BASIC. Par exemple, "print 2 * 5" renvoyait "10" à la ligne suivante. Totalement inutile, mais génial !

Des cartouches pour C64 (crédits photo : Le Monde)

Le clavier restait proche de celui d'une machine à écrire, car elles n'avaient pas encore disparu, et on lisait notamment "Return" (retour) au lieu de "Entrée". Une touche portait le logo Commodore ; je ne savais pas à quoi elle servait et ne l'ai jamais utilisée.

Le BASIC était vraiment rébarbatif : il fallait taper les commandes ligne par ligne en les faisant débuter par un numéro, et la quantité nécessaire pour réaliser une action simple, comme afficher un "sprite" (élément graphique capable de bouger) était décourageante.

L'écran de démarrage du Commodore 64 (crédits photo : Youtube)

On avait néanmoins accès à des fonctions supplémentaires avec la cartouche du Simon's BASIC, programmé par un ado de 16 ans ! C'était l'époque des "peeks" et des "pokes", des commandes permettant d'utiliser des zones particulières de la RAM.

C'est donc côté jeu que le C64 était imbattable. Avec ses cartouches, il était d'une grande simplicité d'utilisation et s'apparentait à une console moderne.

Le lecteur de K7 du C64 (crédits photos : Wikipedia)

Cela dit, certains jeux n'étaient disponibles qu'en version K7. Oui, une K7 d'apparence similaire à celle utilisée en audio, qui nécessitait un lecteur externe et rendait le chargement du programme long et fastidieux.

Des bons souvenirs de jeux ? Summer & Winter Games (jeux olympiques), Jupiter Lander (atterrir sur Jupiter, ce qui d'ailleurs est impossible) et Seafox (combat sous-marin). Je joue parfois encore au second sur un émulateur pour macOS.

Seafox, mon meilleur souvenir sous C64

Après quelques années, d'autres nouveautés sont apparues, et il a été temps de passer à autre chose. J'étais attiré par l'Amstrad CPC 464, notamment par les couleurs vives de son clavier, puis plus tard par son successeur le CPC 6128 sorti en 1990.

Mais entretemps l'époque avait changé. Alors que les plateformes propriétaires comme l'Atari ST ou l'Amiga se répandaient, mon père choisit d'investir dans un standard ouvert, le "compatible IBM PC", autrement dit le PC moderne.

L'Amstrad PC 1512 (1987)

Le PC était un concept différent. Il s'agissait d'un ordinateur pouvant faire tourner les mêmes logiciels que le modèle éponyme d'IBM.

La firme américaine avait eu une idée qui s'avéra géniale : autoriser la copie de son produit. Des dizaines de constructeurs en profitèrent pour lancer leur clone, et les client suivirent. Ils étaient rassurés de ne pas être enfermés dans un écosystème qu'on ne peut quitter sans devoir racheter tous ses logiciels et périphériques.

A ce moment là toutefois, il y avait sur PC beaucoup moins de jeux disponibles que chez les concurrents. Il était plus compliqué à utiliser : il fallait connaitre des commandes DOS, comprendre les subtilités des fichiers autoexec.bat et config.sys, installer des drivers (on disait encore "pilotes" à l'époque) et palier au manque de RAM qui bloquait souvent le lancement d'un programme, etc.

C'est donc une après-midi qu'un commercial d'une boutique parisienne appelée Infopub Informatique nous a livré la bête.

L'Amstrad PC 1512, mon premier compatible PC (crédits photo : Old Computer)

Déception : l'écran était monochrome ! Oui, en noir et blanc. Adieu les jeux magnifiques qu'on pouvait voir chez les concurrents. Mon père utilisait le traitement de texte Sunset Evolution et le logiciel de dessin Draw.

Ils tournaient dans l'environnement GEM, un équivalent de Windows. Malgré son interface moderne, il fut victime d'un procès intenté par Apple qui lui reprochait d'avoir copié MacOS. Un peu écoeurant quand on sait tout ce que la pomme a elle-même volé, notamment à Xerox.

GEM, concurrent malheureux de Windows (crédits photo : Wikipedia)

Les données étaient stockées sur des disquette 5 pouces 1/4, souples et fragiles. Il fallait démarrer avec l'une d'elle insérée pour charger le système d'exploitation. Par la suite, on a rajouté un disque dur atrocement bruyant et dont la capacité semblait énorme. Elle était de… 10 Mo.

La disquette de 5 pouces 1/4, en rouge au centre, n'était même pas la plus grande possible : il existait une version 8 pouces, soit 20 cm (crédits photo : Tom's Hardware)

Autre changement de taille, on pouvait aussi désormais imprimer des documents ! Car Amstrad fournissait une imprimante abordable, la DMP 3160. Mais elle était lente, bruyante, et le résultat était d'une qualité médiocre.

L'imprimante Amstrad DMP 3160 (crédits photo : Rakuten)

Quant à moi, je jouais avec Pirates! de Sid Meier, sans doute l'un des meilleurs jeux de l'époque, Solo Flight de MicroProse, mais aussi Asterix chez Rahàzad ou, plus étonnant, Cash Flow, un jeu de création d'entreprise parrainé par l'homme d'affaires Paul-Loup Sulitzer.

Faute de carte son, il fallait se contenter du haut-parleur interne à la qualité épouvantable. Et pas de joystick non plus.

Pirates! de Sid Meier, que je voyais en noir et blanc (crédits photo : Youtube)

Mais lentement le PC gagnait des parts de marché. Et un jour, peu de temps avant Noël, est arrivé un nouvel ordinateur, de même marque mais beaucoup, beaucoup plus moderne.

L'Amstrad PC 3286 (1990)

Il a été oublié depuis longtemps car il était très classique, mais l'Amstrad PC 3286 était une nouvelle révolution pour moi.

D'abord il s'agissait de mon ordinateur personnel, même si mon père avait tendance à vouloir l'emprunter… Mais aussi et surtout parce qu'il avait un processeur puissant (16 MHz) et un écran couleur ! Et bien sûr, un disque dur interne et un lecteur de disquettes 3,5 pouces.

Par la suite, une carte son SoundBlaster de Creative Labs, la meilleure de l'époque, lui a été rajoutée.

L'Amstrad PC 3286 (crédits photo : une annonce sur Picclick)

Mon premier jeu sur cette machine fut Populous de Peter Molyneux. Le premier jeu où vous incarnez un dieu ! Impossible d'oublier la musique d'introduction et l'image (en couleur cette fois).

L'écran principal de Populous (crédits photo : Retro Archives)

Mais le meilleur était à venir. A l'époque où tout le monde ne jurait que par Dungeon Master, un jeu d'exploration, était sorti un clone PC basé sur l'univers de Donjons & Dragons, j'ai nommé Eye of the Beholder.

Vous dirigez une escouade de quatre personnages aux profils différents (guerrier, magicien, voleur, etc.) et vous parcourez un dédale de galeries souterraines. Elles sont organisées en étages, de plus en plus profonds et habités par des montres de plus en plus féroces, jusqu'au "boss" final, une créature en forme de sphère et doté d'un oeil unique façon cyclope : le beholder.

Une partie d'Eye of the Beholder, le meilleur clone de Dungeon Master

Je ne saurais dire combien d'heures j'ai passé à explorer ces couloirs. Les déplacements n'étaient pas linéaires et se faisaient par cases. On pouvait donc réaliser facilement un plan du jeu sur un cahier à petits carreaux, de façon à recommencer l'exploration si d'aventure on se faisait tuer.

Et comme ça ne suffisait pas, j'ai continué avec Eye of the Belhoder 2. Mais quand l'épisode 3 est sorti, je ne l'ai pas acheté.

Operation Stealth, un jeu de type "pointer-et-cliquer" (crédits photo : Youtube)

Car à partir de 1993, en préparant le bac, j'ai commencé à jouer beaucoup moins et à utiliser l'ordinateur différemment. A cette époque en effet, commençait à apparaître une nouvelle révolution : internet.

La suite dans un prochain article !


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